Jean-Marie Fourmigué a franchi le pas de la création avec Fibercryst. Une aventure technologique autour d’un produit innovant : des fibres en monocristal. Huit ans après, la technologie est dans les starting-block, prête à être commercialisée dans son domaine de prédilection : le laser. Interview.
Comment est né Fibercryst ?
Olivier Tillement et Kheirreddine Lebbou, chercheurs à l’Université Claude Bernard, ont mis au point une technologie de fibres en monocristal. Le matériau était connu, mais il n’existait pas sous cette forme. Alors manager et ingénieur R&D dans un grand groupe industriel, j’aspirais à une structure plus autonome. Fibercryst est née en octobre 2003 autour de cette innovation technologique. Nous avions quelques idées d’applications dès le démarrage, le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes d’Oséo et sa subvention de 250 000 € nous a permis d’acheter la machine fabriquant les fibres. De 2003 à 2006, nous avons fait de la R&D tous azimuts, en explorant une dizaine de secteurs différents et en faisant un travail de « business défrichage » auprès des industries utilisatrices du matériau. En 2006, nous nous sommes concentrés sur une application précise : le laser. Appelée module Taranis, cette application, brevetée en 2005, est issue d’un travail collaboratif entre Fibercryst et l’Institut d’optique.
De 2006 à 2010, notre R&D s’est concentrée sur le module Taranis, ce composant en fibre de monocristal permettant d’amplifier les lasers existants et de générer des impulsions laser de forte puissance. Le produit a été présenté pour la première fois sur un salon américain, début 2011. Nous avons ensuite vendu des prototypes adaptés à la demande des clients et depuis juin, nous travaillons sur les applications des clients finaux en validant les effets des nouveaux lasers et en tenant compte des retours des clients. Depuis cette année, nous avons un laboratoire commun avec l’Institut d’optique à Palaiseau, deux de nos six chercheurs salariés y travaillent. Nous venons d’achever une levée de fonds de 250 000 € et d’embaucher un business developer, c’est le début de l’aventure commerciale et de production. Nous visons 150 000 € de ventes sur 2012 et 4,5 millions à l’horizon 2015. Après la réussite du challenge technologique, le défi est maintenant de vendre cette application, de l’intégrer dans les industries du laser, d’anticiper la concurrence et de produire à grande échelle avec les mêmes gages de qualité. Parallèlement, nous poursuivons la R&D autour des fibres scintillatrices, destinées à la recherche en physique des hautes énergies et vouées à des applications médicales, tout en continuant notre travail de distribution pour une société lituanienne de composants optiques pour laser.
Quel regard portez-vous sur cette démarche de création d’entreprise ?
Il faut être patient, tenace et parfois faire preuve d’un acharnement à la limite du raisonnable ! Fibercryst est partie d’une innovation de matériau, pour laquelle il n’y avait pas de marché. Le cheminement jusqu’au produit fini a duré sept ans, il faut déclencher une démarche d’innovation chez nos clients pour qu’ils intègrent notre produit. Huit ans après notre création, nous sommes encore en train de rechercher des financements, chacun d’entre eux étant synonyme d’embauche : le véritable accélérateur de développement. Pour créer son entreprise, il est fondamental d’être accompagné. Labellisée en 2004, Fibercryst a bénéficié de l’appui de Novacité. Un sésame pour obtenir certains prêts et un réel soutien. Cela permet de pallier la solitude du créateur, d’être plus sûr de soi dans les prises de décisions. L’entrepreneuriat est une aventure unique et enrichissante : on touche à toutes les facettes de l’entreprise, du juridique au commercial en passant par la comptabilité et la communication. Si l’envie de créer est là et que l’opportunité se présente, il faut la saisir, il y a de fortes chances pour que cette étincelle d’envie mette le feu aux poudres.
Propos recueillis par Morgane Gaillard
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