Quels points communs entre la recherche académique, la pharmacie et l’agro-alimentaire ? Pour décrocher la lune, il faut parfois emprunter des chemins détournés. Novocib, issue de la recherche médicale, a misé sur la diversification…
Novocib termine son accompagnement de trois ans chez Novacité en bouclant un tour de table décisif. Une levée de fonds de 200 000 euros auprès du réseau Savoie Angels qui doit lui permettre de finaliser le prototype d’un projet-phare, dont la mise sur le marché est envisagée en 2010 dans le secteur de l’agro-alimentaire. Pour en arriver là, il aura fallu à la jeune entreprise et à sa créatrice, la chercheuse d’origine russe Larissa Balakireva, quelques années, pas mal de capitaux et une remise à plat de sa stratégie de développement.
Au commencement étaient les enzymes. Ces molécules, accélérateurs de réactions chimiques dans les organismes vivants, sont le cœur du savoir-faire de Novocib initialement dédié à la recherche médicale. Avec eux, la biologiste russe arrivée à Grenoble en 1997 par le biais d’une bourse postdoctorale au CEA met tout d’abord en place un test permettant de sélectionner les molécules en fonction de leur efficacité sur les virus, une phase très en amont de la recherche pharmaceutique. Son but ultime : découvrir un nouveau médicament antiviral à large spectre. Le défi, qu’elle compare à “la lune”, est gigantesque. L’enjeu économique, proportionnel ; le risque également. Portée par son succès à différents concours d’innovation, la chercheuse bascule dans le monde de l’entrepreneuriat en 2005. La conjonction de l’opportunité d’installer ses labos sur l’ancien site Merck et de l’accompagnement Novacité la fixe à Lyon. Fin 2006, elle s’associe à l’ingénieur Nicolas Godard, issu de l’industrie agro-alimentaire. Leur conseiller Novacité, Christophe Vincent, les incite à réfléchir à la structuration de leur offre. Et les engage sur la voie de la diversification. “Lorsque j’ai commencé à chercher des financements, on me demandait sans cesse : Que nous reste-t-il si vous ne trouvez rien ?”. Dès lors, Larissa Balakireva s’attache à résoudre l’équation qui consiste à créer un business pérenne sans perdre son rêve des yeux. Quels débouchés, alors, pour les enzymes rares dont elle assure la production ?
Premier time-to-market défini : Novocib met au point des kits enzymatiques de dosage destinés aux chercheurs. Leur commercialisation est prévue dès juillet 2009. Second temps : la biologiste et l’ingénieur agro conjuguent leurs talents pour développer un kit permettant de tester instantanément la fraîcheur des poissons. Ils souhaitent en faire un instrument de référence dans la filière halieutique et visent un marché potentiel d’un million de kits par an. “Comme dans l’univers des logiciels, il nous faut raisonner “user friendly”. La tendance est de permettre aux non-spécialistes de réaliser facilement, sans délai et pour un coût moindre, des analyses fiables”, explique la présidente de Novocib. Pour finaliser le produit, trouver des partenaires et préparer le marché, il reste encore à Novocib bien des défis à relever avant le lancement en 2010. Pour autant, le projet a été bien accueilli par les business angels. Et d’autres propositions de travaux émergent, attestant des nombreux besoins de dosage auxquels les propriétés des enzymes peuvent répondre en dehors du domaine de la santé. En toile de fond, à plus longue échéance, la R&D sur le médicament continue. Il paraît que la lune consent parfois à se laisser approcher par les chercheurs d’étoiles !
Valérie Terrier
1997 : Larissa Balakireva arrive au CEA de Grenoble - 2003 : Lauréate du concours Oséo en catégorie “Emergence”, puis “Création/Développement ” en 2005 - 2005 : Création de Novocib - 2006 : Labellisation Novacité